Un peu de bon sens. Depuis des années, pour relever le sens naturel utilisé par les gauchers pour tirer des traits je leur demande d’écrire leur prénom et de le souligner. Rare sont ceux qui soulignent de la gauche vers la droite, normal me direz vous, ils sont gauchers et leur sens de pensée les incline à partir de la droite pour aller vers la gauche !
Alors pourquoi, quand il s’agit de « gaucher par accident » ou de « droitier contrarié », eux aussi partent de droite pour aller vers la gauche ? Ces constatations m’ont incité à faire une expérience : demander à des droitiers d’utiliser leur main gauche pour tirer des traits. Hésitation, réflexions… mais au final, la plupart vont tirer les traits en partant de la droite.
Inversement, les gauchers quand ils utilisent leur main droite pour écrire, soulignent ou tirent les traits en partant de la gauche. (Pour autant, cette constatation n’exclut pas que certains gauchers ont une manière de penser qui les rend plus à l’aise pour tout ce qui va de droite à gauche).
Au fil des années, ces expérimentations maintes fois répétées m’ont convaincu que dans certaines circonstances (dessiner, écrire..) le geste dépend davantage de la main utilisée que de la manière de penser.
Cette conviction trouve un écho dans un mémoire datant de 1901 [1]. En effet, parcourant récemment ce mémoire traitant d’un autre sujet, j’ai découvert les 2 expériences suivantes [2] :
« Pour mettre en évidence cette tendance à faire de la main gauche des mouvements centrifuges, nous avons fait les deux expériences suivantes :
1°Tracer de la main gauche une ligne le long d’une règle.
25 enfants sur 27 vont sans hésiter de droite à gauche. Nous avons répété l’expérience sur un certain nombre d’adultes avec autant de succès.
2° Calquer de la main gauche une courbe sinusoïdale.
Sur un groupe de 7 adultes, 5 vont spontanément de gauche à droite, 2 seulement de droite à gauche. 2 des premiers recommencent ensuite sur notre invitation, de droite à gauche, et déclarent l’épreuve plus facile.
Sur un autre groupe de 6 adultes, plus intelligents et plus réfléchis, 5 vont de droite à gauche. 4 déclarent qu’ils ont choisi ce sens, parce qu’il leur paraissait plus commode. Le cinquième avait commencé de gauche à droite, puis changé de sens après 1 centimètre. Enfin, le sixième, qui est allé de gauche à droite, dit qu’il a hésité, et que l’habitude de l’écriture l’a décidé.
Dans cette seconde épreuve, l’influence de l’habitude qui, lorsqu’on se met à écrire, conduit naturellement la main vers la gauche du papier, est plus sensible que dans la précédente. Sur les mêmes 27 enfants 11 calquent de la droite vers la gauche. Un a commencé à gauche; puis, après 2 centimètres, est allé à droite pour tracer son trait de droite à gauche ».
Lire aussi : Matériels adaptés
Il me semble donc que « le bon sens » devrait nous inciter à la prise en compte de ces éléments afin d’améliorer la qualité de notre enseignement (en particulier dans les activités graphiques). Que l’on ait en charge d’instruire ou d’aider, aussi bien les gauchers « accidentels » que les gauchers naturels.
Alain Galobardès
lesGauchers
[1] Mémoire sur « l’écriture en miroir » par Georges ABT (1874-1961) médecin français, agrégé de philosophie. Publié dans L’Année Psychologique (année 1901) Volume 8 N° 1 page 254
[2] Le résultat de ces expériences qui datent de 1901 est proche de ce que j’ai pu constater. Mais en ce temps là, revendiquer le fait d’être gaucher n’était pas évident, on peut donc soupçonner que certains de ces droitiers étaient gauchers et qu’il faudrait les soustraire de la statistique. Sûrement, mais de toute façon le pourcentage de gauchers éventuels dont il faudrait tenir compte (16 % maximum) ne chamboulerait pas le résultat.
Un commentaire
Tout pareil que certains, je suis gauchère élevée avec beaucoup de bienveillance par des droitiers 😉 donc je tricote et fait du crochet comme une droitière (difficile pour ma Maman de se mettre à ma place), utilise des ciseaux comme une droitière. Toutefois je reste gauchère pour écrire, coudre, repasser (quoique ) particulièrement fière car je suis la première génération à ne pas avoir été contrariée, contrairement à mon grand-père et mon oncle 🙂